L’embargo chinois sur le bœuf devrait être levé sous 6 mois
L’année du chien s’annonce en Chine, le Président français Emmanuel Macron offre un cheval à son homologue chinois, et c’est encore un autre signe du zodiaque chinois qui intéresse aujourd’hui les exportateurs français vers la Chine : le bœuf. Lors de sa visite en Chine, Emmanuel Macron a confirmé la levée totale de l’embargo sur la viande bovine française en Chine « dans les six mois ». Le Beijinger rapporte que cette décision a été joyeusement accueillie par le public chinois, que ce soit les entreprises de F&B ou les amoureux de la viande chinois.
Origine (et fin?) de l’embargo
En 2001, alors que la crise de la vache folle se propage en Europe, la Chine décide de fermer ses frontières à toutes les importations de bœuf européennes, puis américaines. Cette mesure a connu un assouplissement très partiel en mars 2017 pour les viandes bovines françaises : seules les viandes provenant de bovins âgés de moins de 30ans et désossées pouvaient être importées. Finalement, louant le succès diplomatique de cette décision et assurant qu’elle n’aurait pas d’impact négatif sur l’environnement, le Président Macron a annoncé la levée totale de l’embargo lors de sa visite au début de l’année 2018, dans un discours ponctué de quelques phrases de cantonnais remarquées des médias chinois.
Un marché en expansion
Cette décision arrive à point. De nombreuses études montrent l’évolution des habitudes de consommation des 1.4 milliards de Chinois, notamment en ce qui concerne la consommation de viande. Il en résulte un marché en plein boom (multiplié par 10 entre 2010 et 2015) alors que le marché du bœuf français connait justement une décroissance de 5% par an. Si le porc représente toujours 60% de la viande consommée en Chine, le bœuf gagne de la place dans les assiettes de la classe moyenne : en 2016, un Chinois consommait 4kg de bœuf pour moins de 3kg en 2005 selon l’OCDE. A titre de comparaison, la consommation française de bœuf est quatre fois plus élevée.
La viande constitue ainsi un marché d’autant plus alléchant pour les exportateurs que les prix y ont été multipliés par quatre en 15ans (3.5euros le kilo aujourd’hui). De plus en plus soucieux de la qualité des produits, la classe moyenne chinoise grandissante se tourne majoritairement vers des produits importés, bien qu’ils soient plus coûteux, selon une note de la banque néerlandaise Rabobank.
Ouverture de l’agro-alimentaire chinois aux importations
Or, si le marché agronome chinois pouvait être relativement difficile d’accès auparavant, ce n’est plus le cas depuis le 13ème plan quinquennal (2016-2020) dans lequel le gouvernement officialise le recours aux marchés mondiaux pour assurer la sécurité alimentaire. La Chine est aujourd’hui un pays importateur net en produits agro-alimentaires avec une balance déficitaire d’environ 34 milliards d’euros en 2015 selon les douanes chinoises. Or, ces importations concernent en grande partie les produits carnés (20% soit 1.7millions de tonnes) en raison de l’attrait que constitue la qualité venue des pays occidentaux dans le domaine des viandes. Ainsi, l’agro-alimentaire en général constitue le troisième domaine des exportations françaises en Chine, mais la viande ne compte que pour 9% du montant total des exportations. La Chine étant en passe de devenir le premier importateur mondial de bœuf, avant les Etats-Unis, la levée de l’embargo sur le bœuf français devrait faire évoluer ces chiffres à la hausse.
Une compétition locale et étrangère sévère
La levée de l’embargo français fait suite à celle de l’embargo sur le bœuf américain en juin dernier. Au niveau européen, la France est le troisième pays dont l’embargo a été levé, après l’Irlande et les Pays-Bas. Cette décision avait en fait été prise entre les autorités françaises et chinoises le 3 mars 2017 mais le dossier restait bloqué par les différentes requêtes sanitaires chinoises.
Elle est vue comme une réelle opportunité pour les 150 000 éleveurs français dans ce secteur qui pèse près de 6,6 milliards d’euros. Pour autant, ce n’est pas un marché donné. En effet, monopolisant 90% du marché chinois, les principaux concurrents sont les bœufs australiens, brésiliens, uruguayens et néo-zélandais. Quant au cheptel bovin de la Chine, il représente tout de même 10% du troupeau mondial et reste cinq fois plus important que la France.
Mais des atouts français uniques
Dans un premier temps, les éleveurs français envisagent des exportations d’un total de 50 000 tonnes de bœuf, ce qui représenterait presqu’un cinquième des exportations françaises de bœuf. Les éleveurs français entendent en effet se positionner sur le haut de gamme, mais aussi profiter du marché chinois pour écouler des morceaux non utilisés en France comme la queue de bœuf. Pendant les six mois estimés pour la mise en place effective de la levée de l’embargo, la France pourra préparer le terrain en promouvant la qualité française (traçabilité sanitaire), les races bovines françaises et l’art de vivre à la française d’une pièce de bœuf dûment accompagnée.
Quant à la volaille française, également sous le coup d’un embargo chinois imposé en 2015 à cause de la crise de la grippe aviaire, les discussions sont toujours en cours.
Par Manon Bellon