mars 7, 2018

LA CHINE SUR LA ROUTE DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Beaucoup a déjà été écrit sur les plans de la Chine pour devenir une puissance mondiale de l’intelligence artificielle (IA) en 2030, et ces deux mots reviennent presque quotidiennement dans les grands médias chinois et les annonces gouvernementales. Parmi les effets d’annonces et autres articles cherchant un buzz médiatique sur un sujet qui fascine et inquiète, il est important de faire la part des choses.

Que contiennent exactement ces plans ? Quel en est le reflet dans la société et l’économie chinoise aujourd’hui ? Quelles opportunités peut-on identifier pour les entreprises françaises ?

Au World Mobile Congress de Barcelone cette année, Huawei présentait un véhicule entièrement piloté par l’IA de son dernier smartphone mis en vente en automne 2017. Un téléphone a ainsi conduit une voiture sur une dizaine de mètres tout en évitant efficacement les obstacles. Outre les réactions mondiales suscitées par cette avancée technologique, il est intéressant d’observer que la Chine est désormais un sujet de discussion incontournable lorsqu’il s’agit de l’intelligence artificielle mondiale : Huawei était la première entreprise apparaissant dans le documentaire d’une chaîne de télévision européenne destiné au salon.

Devenir un centre mondial majeur de l’IA en 2030

Récemment, la Chine a publié plusieurs plans organisant sa transition de « l’atelier du monde » au « laboratoire du monde » : Made in China 2025 (2015), Internet + (2015) et le 13ème Plan Quinquennal (2015) intègrent tous un volet innovation central, dans lequel s’inscrit la stratégie nationale de développement de l’IA rendue publique en Juillet 2017.

L’objectif annoncé est de devenir un centre mondial majeur de l’IA en 2030, avec deux étapes intermédiaires en 2020 et 2025. Outre les objectifs stratégiques et politiques liés à un tel développement, le gouvernement chinois met en avant ses objectifs économiques : une estimation de bénéfices directs sur l’économie chinoise à hauteur de 150M CNY (19,2M EUR) d’ici 2020, et de 1Md CNY (128M EUR) d’ici 2030. A ce titre, le cabinet PwC se montrait plus optimiste annonçant une contribution de l’IA à l’économie mondiale de 16Mds USD (13Mds EUR) d’ici 2030 dont la moitié pour l’économie chinoise.

Concrètement, le gouvernement souhaite encourager les applications de l’IA dans les domaines de la production, de l’urbanisation, de l’agriculture, des énergies renouvelables, de la robotique, des voitures intelligentes, des soins médicaux et de la défense nationale. Cependant, peu de financements précis ont encore été annoncés.

Sans entrer dans la polémique pour savoir qui des Etats-Unis ou de la Chine mène la course, faisons un état des lieux de l’IA en Chine à l’heure actuelle. Qu’existe-t-il ? Quels potentiels de développement pouvons-nous aujourd’hui identifier ?

Soutien politique et financier du gouvernement

Les atouts chinois souvent cités sont : un soutien du gouvernement en matière de législatif (la protection légale des données est quasiment inexistante) et de financements ; de vastes ressources en données grâce à une population nombreuse, diverse et hyperconnectée, mais également des ressources scientifiques (20% des scientifiques en formation en IA dans le monde sont chinois) avec notamment un avantage dans le domaine de la traduction et du langage du fait de la complexité de la langue chinoise.

Des géants actifs

En effet, la Chine possède ses propres données (Baidu, Alibaba et Tencent, alias BAT) et celles-ci sont disponibles en nombre suffisant dans un univers non fragmenté : 800 millions de comptes Wechat, une application qui recouvre des domaines aussi services aussi divers que le paiement, la localisation, la location de taxi, vélos, la commande de nourriture… La moitié des smartphones en Chine sont équipés d’un système de paiement (voir article VVR sur le sujet) et beaucoup d’observateurs notent la friandise de la population à tout âge pour les objets connectés.

Posséder des données est essentiel au développement de l’IA qui n’est rien d’autre qu’un outil sophistiqué permettant de traiter un nombre de données jusqu’ici trop lourd pour nos programmes classiques. Toutefois, il semblerait que l’on soit aujourd’hui capable de simuler des données ce qui réduit considérablement l’avantage compétitif de la Chine en la matière.

La puissance de calcul

La Chine dispose également de la puissance de calcul nécessaire à des avancées majeures en IA : la reconnaissance d’image proposée par Baidu est ainsi aujourd’hui plus précise que celle de Google (de 0.3%). Par ailleurs, la Chine fabrique désormais ses micropuces qui équipent le dernier smartphone de Huawei. La reconnaissance vocale constitue cependant encore un défi pour les grands groupes chinois et concentre aujourd’hui les investissements.

Les investissements

Le capital est l’un des autres points forts de la Chine. Les trois géants numériques chinois : Baidu, Alibaba et Tencent ont tous publiés des plans de développement de l’IA. Ainsi, Baidu investit 3Mds EUR dans la reconnaissance d’images, la réalité augmentée et le deep learning quand Alibaba annonce l’ouverture de 8 centres de recherches dédiés au développement de l’IA et de l’informatique quantique pour un investissement de 15 Mds USD (12,7Mds EUR). Baidu est également impliqué dans le développement d’une voiture autonome, contexte dans lequel le groupe a annoncé sa volonté de mettre ses données en opensource, contrairement à ce qui est pratiqué outre-Pacifique.

Pékin quant à eux ont récemment fait l’annonce d’investissements à venir dans des universités, des incubateurs et des start-ups pour 150 Mds CNY (19,15 Mds EUR) afin de se doter de systèmes d’IA chinois. Au début de l’année 2018, cela s’est encore davantage concrétisé avec l’annonce de la création d’un parc professionnel dédié à l’IA (big data, identification biométrique et deep-learning) dans la capitale, qui réunirait 400 entreprises. Le coût du projet est estimé à 13.8 Mds CNY (1.8Md EUR).

Quid des entreprises étrangères en Chine?

A la lecture de ces faits, il semblerait que la Chine soit surtout un concurrent de plus en plus redoutable dans le secteur de l’IA et des technologies intelligentes. Pourtant, les acteurs français et européens peuvent profiter de ce développement pour : trouver des investissements et/ou s’établir en Chine, trouver des équipes chinoises formées à l’IA, profiter des technologies chinoises en IA et des données si celles-ci sont effectivement mises en open source et jouer un rôle d’intermédiaire entre produits intelligents chinois et marchés européens. A noter : en novembre 2018 se tiendra la China International Import Export Exhibition qui prévoie de réserver un hall entier à la haute technologie et aux équipements intelligents.

En résumé :

Les annonces du gouvernement chinois laissent prévoir une hausse des investissements publics et privés déjà nombreux dans le domaine de l’Intelligence Artificielle. Outre la technologie de l’IA en elle-même, les secteurs privilégiés par la Chine sont ceux de la production, de l’urbanisation, de l’agriculture, des énergies renouvelables, de la robotique, des voitures intelligentes, des soins médicaux et de la défense nationale. La France a affiché sa volonté d’étendre sa coopération dans ce domaine spécifique avec la Chine qui, d’après ses déclarations, ne souhaite pas restreindre ce domaine aux entreprises chinoises exclusivement. A l’heure actuelle, Pékin favorise principalement l’installation des talents en Chine, et les centres de recherches annoncés par les divers acteurs chinois sont encore en construction. Les opportunités pour les acteurs français se situent ainsi principalement dans les besoins que peuvent avoir les entreprises chinoises de ces domaines, ou dans les technologies que celles-ci peuvent développer.

Par Manon Bellon

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